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Very Long Durations

6 instruments et électronique

2023


Commande de l'Itinéraire
avec le soutien de la fondation Salabert et de la SACEM
création mondiale le 26 septembre 2023 à Strasbourg, festival Musica
création américaine le 28 octobre 2023 à UC Berkeley

enregistrement en concert le 2 décembre 2023, Conservatoire de Romainville
L'Itinéraire : Julie Brunet Jailly, Claire Voisin, Vincent Lhermet, Anne Mercier, Lucia Peralta, Florian Lauridon, Marco Suarez-Cifuentes elec, G. Lorieux, direction

Les durées très longues du titre ne seront pas nécessairement celles que l’on entendra… Very Long Durations parle du « clash des temporalités » que l’on vit de nos jours : en particulier la grande accélération de l’anthropocène face au temps très long de l’âge géologique de l’holocène. L’abîme qui sépare l’instantanéité de nos besoins en notre consommation d’énergie et l’immense durée de la dégradation des déchets nucléaires qui ont servi à la générer.

Il y a ces inquiétudes dans Very Long Durations — sans que cette réflexion sur les différentes échelles temporelles ne fournisse naïvement un programme musical de construction rythmique, métrique ou même formelle, car je crois que ces imbrications d’échelles temporelles incommensurables sont difficilement représentables en musique.

L’étude des milieux nous apprend que le temps peut être vu non pas comme une ligne qui va vers une fin, vue de nulle part (« from nowhen »), mais plutôt comme l’agencement d’une multiplicités de cycles qui s’imbriquent dans les corps (y compris les nôtres), et en dehors d’eux, en interaction. Cet entrelacement se retrouve jusqu’à nos espaces les plus intimes. Il nous connecte, depuis le temps présent, à des échelles temporelles et des modes de vie autres, même très éloignés.

Pendant le processus de composition, l’étude de paysages temporels entrelacés conduisait à des juxtapositions de durées assez longues, obtenus avec des résonances retranscrites : renversées, transposées deux octaves en dessous et étendues. Mais cela ne menait nulle part.
Very Long Durations a finalement pris la forme d’une pièce d’esthétique à la fois minimaliste et spectrale. C’est donc un son unique qui est retranscrit aux instruments sur tout le temps de la pièce et lui seul fournit son matériau : on l’entend d’ailleurs joué dans la pièce à l’unisson des instruments. Ces longues représentations de résonances entrelacées, extrêmement étirées à l’horizontale, s’animent d’« allures » ou variations de vibrations internes. Tressée des franges d'une masse vivante, subtile et vibratile, la polyphonie gagne ainsi une qualité intense et colorée. 
Un son sinusoïdal sur un mi bémol, son autour duquel gravite toute la résonance, part dal niente et vibre de plus en plus vite sur toute la pièce, geste minimal, souvenir du Long String Instrument d’Ellen Fullman ou d’une Eliane Radigue.