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Tombeau des oiseaux

orgue

2021

Cette pièce s’inscrit dans la lignée de mes dernières pièces autour de l’extinction récente de certaines espèces d’oiseaux en France, à travers l’évocation de leurs chants désormais disparus — ainsi le traquet rieur, cher à Olivier Messiaen, qui ne pensait pas noter son chant pour mémoire.
Ce rapport à la nature par la collecte, fût-ce pour de chants, n’est plus tout à fait possible. A l’heure où le chant de certains oiseaux communs s’éteint, la musique de Messiaen n’a plus la même fonction. Elle était conçue comme redondance avec un chant d’oiseau toujours présent quelque part ailleurs, un chant perpétuel et immanent à la nature, comme un humble écho d'une nature supérieure en beauté — et en nombre. Messiaen, homme et musicien, tel un Saint-François d’Assise moderne, se plaçait directement face à la musique des animaux, face à la création divine, mais en laissant finalement les animaux de côté.
On pourrait considérer les oiseaux non plus comme des objets qui nous entourent, mais des êtres avec lesquels nous interagissons. C’est en cela que leur disparition nous concerne. C’est un des aspects de la conversion écologique. Mais ils requièrent plus qu'étude et ravissement : soin et souci, pour leur propre fin ; et leur disparition requiert mieux que le deuil : l'appel.
Le chant du traquet rieur, présent dans cette pièce, est évoqué sous la forme d’une reconstitution en mosaïque avec les sons disponibles à l’orgue. Il émerge peu à peu d’une trame polyphonique colorée, figuration d’une résonance métallique inerte et complexe, à la fois tombeau et chambre d’écho. Le chant se déploie presque violemment puis s’éteint aux limites extrêmes aiguës de l’orgue.
Chaque génération entendra la pièce différemment — comme chaque génération a un rapport et une conscience à la destruction de la nature différentes. Les plus jeunes auditeurs sont ceux qui pourront probablement témoigner d’autres extinctions d’espèces : en symbole de réparation et pardon, c’est ceux-là même qui peuvent entendre le chant jusqu’à sa transfiguration extrême.