Concert nocturne III
(Tyto Alba)
concert nocturne en plein air pour 11 musiciens,
2023
création le dimanche 30 juillet par l’ensemble Itinéraire au festival Messiaen
C’est le troisième Concert Nocturne que je présente avec l’Itinéraire. Tous partagent avec le public une expérience particulière : des musiciens qui jouent dehors et dans le noir.
Jouer dehors, c’est une idée simple, mais radicale si les artistes souhaitent vraiment se connecter au lieu où ils jouent : car un lac, une forêt ou une montagne, ne sont pas des décors, ou même des paysages, mais des lieux vivants qui portent certes les traces des usages nombreux des humains mais qui sont également traversés par des espèces aux vies et aux rythmes multiples, et au-delà, portent la trace d’une histoire qui dépasse l’échelle humaine.
Jouer la nuit, c’est faire l’expérience de ressentir que ces milieux ne nous appartiennent pas — c’est partager l’espace avec pourquoi pas les oiseaux de nuit. Ce passage du jour à la nuit, progressif, processuel, est également l’occasion de solder l’un des lieux communs de la musique spectrale (qui dit-on, ne serait que « soleils qui se lèvent et se couchent »), en montrant la chose même, en la faisant vivre, et non pas en mettant en scène sa représentation. Je parle des différences et du jeu de perception entre un tableau de paysage et le milieu naturel qui y est dépeint ; entre marcher dans une forêt la nuit et écouter un nocturne de Chopin ; entre le coucher de soleil que nous nous apprêtons à vivre et la pièce de Grisey Jour contre jour qui représente ce seuil, inspiré de la mystique de l’Egypte antique ; entre les poèmes symphoniques que sont les numéros du Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen qui représentent un animal dans son contexte environnemental et multi-espèce, et le chant que l’on écoute soi-même de l’oiseau sur la branche.
Tout cela répond à un besoin fort de lien et de soin que nous avons tous vécu ces derniers mois : un soin vis-à-vis de nous mêmes, mais aussi des milieux que nous nous sommes donné de protéger.
Placer les artistes dans cette posture de soin et d’attention aux milieux naturels (à commencer par une attention au « paysage sonore »), permet aux spectateurs d’être témoins de gestes artistiques qui bouleversent les habitudes sensibles et relationnelles.
La musique joue donc ici son rôle de médiatrice dans notre connexion à l’espace sonore où nous allons assister à la disparition de la lumière. Il y a une répartition orchestrale classique, mais éclatée : la spatialisation a été imaginée spécifiquement à travers la topographie autour du lac de Pétichet. L’espace devient ainsi le premier paramètre que nous percevons de cette musique, et cela nous fragilise.
Ici, c’est aussi une sorte de rituel de chasse qui imite le chant de la chouette effraie (Tyto Alba), appelée aussi dame blanche : oiseau habitant de la nuit au cri d’orfraie, au vol totalement silencieux, autrefois cloué sur la porte des granges, car les pouvoirs qu’on lui attribuait se devaient d’être conjurés.
L'Itinéraire
Julie Brunet-Jailly, Flûte
Sylvain Devaux, Hautbois
Juliette Adam, clarinette
Lomic Lamouroux, basson
Antoine Dreyfus, cor
Christophe Bredeloup, percussion
Antoine Brocherioux, percussion
Vincent Lhermet, accordéon
Apolline Kirklar, Violon
Lucia Peralta, Alto
Myrtille Hetzel, Violoncelle
avec la participation de Sébastien, Patrick, Enzo, rameurs
avec la participation de la compagnie Hippogriffe
© photos Festival Messiaen / Bruno Moussier
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Partition et documentation